Sommations finies
Indices
On rappel que pour tout $ a\leqslant b$ , on note $ \intEFF{a}{b}$ l'intervalle des nombres entiers entre $ a$ et $ b$ . Comme pour les nombres réels on adoptera les notations de bornes incluses ou non ($ \intEFO{a}{b}$ , $ \intEOF{a}{b}$ et $ \intEOO{a}{b}$ )
On rappel qu'une bijection de $ E$ sur $ F$ est la donnée d'une application $ \varphi : E\rightarrow F$ tel qu'il existe $ \psi : F\rightarrow E$ tel que pour
- $ (i)$ .
- $ \forall e\in E$ , $ \psi(\varphi(e))=e$ .
- $ (ii)$ .
- $ \forall f\in F$ , $ \varphi(\psi(f))=f$ .
On dit que $ \psi$ est la
bijection réciproque.
Définition
Un sous-ensemble d'un référentiel quelconque qui peut être mis en bijection avec un sous-ensemble de $ \Z$ est un ensemble d'indice
Par exemple $ \{-1 ; 7; 9\}$ est un ensemble d'indice. Dans la pratique les ensembles d'indices sont les sous-ensembles de $ \Z$ de la forme $ \intEFF{a}{b}$ ou $ \intEFO{a}{b}$ lorsque $ b=+\infty$ .
Lemme
L'ensemble des entiers naturel $ \N$ est un ensemble d'indice.
Démonstration
On montre que les deux applications suivantes sont des bijections réciproques l'une de l'autre :
\begin{eqnarray*}
\varphi : \N&\longrightarrow&\Z\\
n&\longmapsto&\left\{
\begin{array}{ll}
-\dfrac{n}{2}, &\text{si $ n$ est paire}\\
\dfrac{n+1}{2}, &\text{sinon}
\end{array}
\right.
\end{eqnarray*}
\begin{eqnarray*}
\psi : \Z&\longrightarrow&\N\\
x&\longmapsto&\left\{
\begin{array}{ll}
-2x, &\text{si $ x\leqslant 0$ }\\
2x-1, &\text{sinon}
\end{array}
\right.
\end{eqnarray*}
Proposition
L'union, l'intersection, le complémentaire et le produit cartésien (fini) d'ensembles d'indice est un ensemble d'indice.
Démonstration
L'union, l'intersection et le complémentaire de sous-ensembles de $ \Z$ est un sous-ensemble de $ \Z$ , ce qui permet de construire des bijections aisément pour arriver à la définition.
D'après le lemme précédent, il suffit de montrer que $ \N\times \N$ est un ensemble d'indice ce qui permettra de prouver que tout sous-ensemble de $ \N\times \N$ est un ensemble d'indice donc tout sous-ensemble de $ \Z\times \Z$ et
a fortiori les sous-ensembles de la forme $ I\times J$ . Pour cela on numérote les éléments de $ \N\times \N$ en diagonale ce qui permet d'associé à chaque point du réseau $ \N\times \N$ une valeur entière et réciproquement.
Définition
Soit $ I$ un ensemble d'indice. Une suite réelle $ u$ indexée par $ I$ est la donnée d'une application de $ I$ sur $ \R$ .
Pour tout $ i\in I$ on appel $ i$ -ème terme de $ u$ , noté $ u_i$ l'image de $ i$ par $ u$ .
En d'autre terme, à chaque indice on associe une valeur réelle.
Les suites indexées par $ \intEFO{0}{+\infty}$ sont les
suites numériques classiques.
Définition
Soit $ u$ une suite indexée par un ensemble d'indice $ I$ . On note
$$\sum_{i\in I}u_i$$
la sommation de tous les termes la suite $ u$ .
Par exemple si $ I=\intEFF{1}{3}$ et $ u=(2, -7, \pi)$ alors $ \dpl{\sum_{i\in I}u_i}=2+(-7)+\pi=-5+\pi$ .
Définition [Troncature]
Soient $ I$ un ensemble d'indice et $ J\subseteq I$ . On note $ u_{|J}$ la restriction de $ u$ à $ J$ .
$$\forall j\in J,\ u_{|J}(j)=u(j)$$
Pour ne pas alourdir les notations et lorsqu'il n'y a pas d'ambiguïté on notera simplement $ u$ la restriction de $ u$ à $ J$ .
Si par exemple $ I=\intEFF{0}{5}$ , $ u=(9, 6, 1, 0, 1, 7)$ et $ J=\{0; 2; 4\}$ alors $ u_{|J}=(9, 1, 1)$ .
Remarque
La variable de sommation est dite muette : elle n'intervient pas dans le résultat de la sommation mais dans sa formulation. Ainsi
$ \dpl{\sum_{i\in I}\alpha_i=\sum_{j\in I}\alpha_j=\sum_{k\in I}\alpha_k=\sum_{truc\in I}\alpha_{truc}}$ .
Propriétés de la sommation
A partir de maintenant et jusqu'à la fin du chapitre, les ensembles d'indices sont tous de cardinalité finie.
Proposition
Soient $ I$ et $ J$ des ensembles d'indices, $ \alpha$ une suite de nombres réelles indexées par $ I\cup J$ .
- $ (i)$ .
- Si $ I\cap J=\varnothing$ , $ \dpl{\sum_{k\in I\cup J}\alpha_k=\sum_{i\in I}\alpha_i+\sum_{j\in J}\alpha_j}$ .
- $ (ii)$ .
- $ \dpl{\sum_{k\in I\cup J}\alpha_k=\sum_{i\in I}\alpha_i+\sum_{j\in J}\alpha_j-\sum_{l\in I\cap J}\alpha_l}$ .
Démonstration
Notons $ I=\{i_1, \ldots, i_N\}$ et $ J=\{j_1,\ldots, j_M\}$ alors $ I\cup J=\{i_1, \ldots, i_N, j_1, \ldots, j_M\}$ dans ce cas
$$\sum_{k\in I\cup J}\alpha_k=\alpha_{i_1}+\cdots+\alpha_{i_N}+\alpha_{j_1}+\cdots+\alpha_{j_M}=\sum_{i\in I}\alpha_i+\sum_{j\in J}\alpha_j$$
Si $ I\cap J\neq \varnothing$ , notons $ I\cap J=\{k_1, \ldots, k_R\}$ alors
$ I=\{i_1, \ldots, i_N, k_1,\ldots, k_R\}$ et $ J=\{j_1,\ldots, j_M, k_1, \ldots, k_R\}$ . Nous avons alors :
\begin{eqnarray*}
\sum_{i\in I}\alpha_i+\sum_{j\in J}\alpha_j-\sum_{l\in I\cap J}\alpha_l&=&\left(\alpha_{i_1}+\cdots+\alpha_{i_N}+\alpha_{k_1}+\cdots+\alpha_{k_R}\right)\\
&&+
\left(\alpha_{j_1}+\cdots+\alpha_{j_M}+\alpha_{k_1}+\cdots+\alpha_{k_R}\right)\\
&&-\left(\alpha_{k_1}+\cdots+\alpha_{k_R}\right)\\
&=&\left(\alpha_{i_1}+\cdots+\alpha_{i_N}\right)+\left(\alpha_{j_1}+\cdots+\alpha_{j_M}\right)+\left(\alpha_{k_1}+\cdots+\alpha_{k_R}\right)\\
&=&\sum_{l\in I\cup J}\alpha_l
\end{eqnarray*}
Corollaire
Soit $ (\alpha_i)_{i\in I}$ une suite de nombres réelles indexées par un ensemble d'indice $ I$ .
$$\sum_{i\in \varnothing}\alpha_i=0$$
Démonstration
D'après le point $ (i)$ du précédent résultat nous avons :
$$\sum_{i\in I}\alpha_i=\sum_{i\in I\cup \varnothing}\alpha_i=\sum_{i\in I}\alpha_i+\sum_{i\in \varnothing}\alpha_i$$
d'où le résultat.
Théorème [Linéarité]
Soient $ I$ un ensemble d'indice, $ \alpha$ et $ \beta$ des suites de nombres réelles indexées par $ I$ et $ \lambda\in \R$ .
- $ (i)$ - Commutativité.
- $ \dpl{\sum_{i\in I}(\alpha_i+\beta_i)=\sum_{i\in I}\alpha_i+\sum_{i\in I}\beta_i}$ .
- $ (ii)$ - Distributivité.
- $ \dpl{\sum_{i\in I}\lambda\alpha_i=\lambda\sum_{i\in I}\alpha_i}$ .
Démonstration
Il s'agit d'un reformulation de la commutativité de l'addition ($ a+b=b+a$ ) et de la distributivité dans $ \R$ ($ \lambda(a+b)=\lambda a+\lambda b$ ).
Théorème [Fubini]
Soit $ \alpha$ une suite de nombre réelles indexées par un ensemble de la forme $ I\times J$ pour deux ensembles d'indices $ I$ et $ J$ .
- $ (iii)$ - Associativité.
- $ \dpl{\sum_{(i, j)\in I\times J}\alpha_{(i, j)}=\sum_{i\in I}\left(\sum_{j\in J}\alpha_{(i, j)}\right)
=\sum_{j\in J}\left(\sum_{i\in I}\alpha_{(i, j)}\right)}$ .
Démonstration
Il s'agit de la reformulation de l'associativité de la l'addition ($ (a+b)+c=a+(b+c)$ ).
Théorème [Changement de variable]
Soit $ \varphi:J\rightarrow I$ une bijection entre deux ensembles d'indices et $ \alpha$ une suite de nombres réelles indexées par $ I$ .
$$\dpl{\sum_{i\in I}\alpha_i}=\sum_{j\in J}\alpha_{\varphi(j)}$$
Démonstration
Numérotons les éléments de $ I$ et de $ J$ à l'aide de $ \varphi$ . Précisément, notons $ I=\left\{i_1, \ldots, i_N\right\}$ et $ J=\left\{j_1, \ldots, j_N\right\}$ (ils sont nécessairement de même cardinalité $ N$ car en bijection) de telle sorte que $ \varphi(j_k)=i_k$ . Alors
\begin{eqnarray*}
\sum_{j\in J}\alpha_{\varphi(j)}&=&
\alpha_{\varphi(j_1)}+\cdots+\alpha_{\varphi(j_N)}\\
&=&\alpha_{i_1}+\cdots+\alpha_{i_N}\\
&=&\sum_{i\in I} \alpha_i
\end{eqnarray*}
Corollaire [Formule du produit]
Soient $ \alpha$ et $ \beta$ deux suites de nombres réelles respectivement indexées par $ I$ et $ J$ des ensembles d'indices. Si $ i\not\in I$ on convient que $ \alpha_i=0$ . De même si $ j\not\in J$ , $ \beta_j=0$ .
- $ (iv).$
- $ \dpl{\left(\sum_{i\in I}\alpha_{i}\right)\times\left(\sum_{j\in J}\beta_{j}\right)=\sum_{(i, j)\in I\times J}\gamma_{(i, j)}}$ où $ \gamma_{(i, j)}=\alpha_i\beta_j$ .
- $ (v)$ .
- Dans le cas où $ I=\intEFF{a}{n}$ et $ J=\intEFF{b}{m}$ pour des entiers $ a\leqslant n$ et $ b\leqslant m$ ,
$$\left(\sum_{i=a}^n\alpha_i\right)\times \left(\sum_{j=b}^m\beta_j\right)=\sum_{k=a+b}^{n+m}\gamma_k$$
où $ \dpl{\gamma_k=\sum_{i=a}^{k-b}\alpha_i\beta_{k-i}=\sum_{j=b}^{k-a}\alpha_{k-j}\beta_{j}}$ .
Démonstration
La première égalité est la réécriture de la somme. Seul le dernier point nécessite quelques détails. On a $ \intEFF{a}{n}\times\intEFF{b}{m}=X_{a+b}\cup X_{a+b+1}\cup X_{a+b+2}\cup\cdots X_{n+m}$ , où $ X_k=\{(i, j)\in \intEFF{a}{n}\times\intEFF{b}{m}| i+j=k\}$ . Naturellement si $ k\neq k'$ alors $ X_k\cap X_{k'}=\varnothing$ ; il ne peut, en effet, exister de couple $ (i,j)$ tel que $ i+j=k$ et $ i+j=k'$ lorsque $ k\neq k'$ . Ainsi :
\begin{eqnarray*}
\left(\sum_{i=a}^n\alpha_i\right)\times \left(\sum_{j=b}^m\beta_j\right)
&=&\sum_{(i, j)\in \intEFF{a}{n}\times\intEFF{b}{m}}\alpha_i\beta_j\\
&=&\sum_{(i, j)\in X_{a+b}}\alpha_i\beta_j+\sum_{(i, j)\in X_{a+b+1}}\alpha_i\beta_j+\cdots+\sum_{(i, j)\in X_{n+m}}\alpha_i\beta_j\\
&=&\sum_{k=a+b}^{n+m}\sum_{(i, j)\in X_{k}}\alpha_i\beta_j
\end{eqnarray*}
Or $ \varphi_k:\intEFF{a}{b-k}\rightarrow X_k$ , $ i\mapsto(i, k-i)$ est une bijection de sorte qu'en appliquant ce changement de variable on a $ \dpl{\sum_{(i, j)\in X_{k}}\alpha_i\beta_j=\sum_{i\in \intEFF{a}{b-k}}\alpha_i\beta_{k-i}}$ . De la même manière, la bijection $ \psi : \intEFF{b}{k-a}\rightarrow X_k$ prouve la seconde égalité.
Sommations classiques
Proposition
- Somme de Gauss.
- Soit $ n\in \N$ ,
$$\sum_{k=0}^nk=\dfrac{n(n+1)}{2}$$
- Somme quadratique de Gauss.
- Soit $ n\in \N$ ,
$$\sum_{k=0}^nk^2=\dfrac{n(n+1)(2n+1)}{6}$$
- Somme des termes d'une suite géométrique.
- Soient $ q\in \R-\{1\}$ et $ n\in \N$ , $$\sum_{k=0}^nq^k=\dfrac{1-q^{n+1}}{1-q}$$
- Binôme de Newton.
- Soient $ a$ et $ b$ des nombres réels et $ n\in \N$ .
$$(a+b)^n=\sum_{k=0}^nC_n^ka^kb^{n-k}$$
où $ C_n^k=\dfrac{n!}{k!(n-k)!}$ est le coefficient binomiale.
Démonstration
Ces résultats se démontrent par récurrence, ce que nous aborderons en TD.